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Cimetière de Robermont : flânerie entre art funéraire et mémoire liégeoise

Cimetière de Robermont : flânerie entre art funéraire et mémoire liégeoise

Cimetière de Robermont : flânerie entre art funéraire et mémoire liégeoise

Un lieu méconnu au cœur de Liège

À quelques minutes du centre-ville, le cimetière de Robermont attire rarement l’attention des Liégeois au quotidien. Pourtant, s’y promener, c’est découvrir un pan entier de l’histoire de la Cité ardente, entre patrimoine funéraire remarquable, personnalités oubliées ou célèbres, et atmosphère paisible propice à la réflexion. Si certains fuient les cimetières, Robermont mérite bien qu’on s’y attarde.

Un cimetière, mais pas seulement

Créé en 1836 pour répondre à la saturation des cimetières intra-muros, Robermont est aujourd’hui le principal cimetière de Liège, avec ses quelque 38 hectares. Mais à la différence d’un espace purement fonctionnel, il se présente comme un véritable musée à ciel ouvert. À peine franchie l’entrée principale, située rue de Robermont, on ressent la solennité des lieux, mais aussi une certaine sérénité.

Les larges allées arborées, bien entretenues, invitent à la déambulation. Plus qu’un lieu de recueillement, Robermont est aussi une parenthèse de calme au cœur de l’agitation urbaine. Il n’est pas rare d’y croiser des promeneurs, appareil photo à la main, ou des étudiants en histoire de l’art venus observer les nombreuses sculptures funéraires.

Un parcours artistique à part entière

Ce qui frappe en premier à Robermont, c’est la diversité et la richesse des monuments funéraires. Depuis le XIXe siècle, les familles bourgeoises liégeoises rivalisent d’audace pour ériger de véritables œuvres d’art à la mémoire de leurs proches.

On y croise des mausolées monumentaux, des obélisques, des croix en fonte ciselée, des effigies grandeur nature… Les styles architecturaux s’y entremêlent : néogothique, Art déco, symbolisme funéraire, parfois même orientalisme. Certains tombeaux sont signés par des sculpteurs liégeois de renom, tel Oscar Berchmans, dont les œuvres décorent également d’autres lieux emblématiques de la ville.

Difficile de ne pas s’arrêter devant la tombe monumentale de la famille Dethier, ou encore celle de Jean Haust, éminent philologue wallon, dont le monument, sobre mais élégant, témoigne d’un respect profond pour la culture régionale.

Des figures qui ont marqué Liège

Robermont n’est pas qu’un lieu esthétique, c’est aussi un livre d’histoire à ciel ouvert. On y retrouve les sépultures de nombreuses personnalités ayant marqué l’histoire liégeoise, belge… et parfois même au-delà.

Certaines tombes attirent d’emblée par les noms qu’elles arborent :

D’autres noms sont moins connus mais tout aussi dignes d’attention. Soldats de la Première Guerre mondiale, syndicalistes, résistants de 40-45, professeurs, écrivains… Chaque pierre raconte une histoire. À Robermont, la mémoire se conjugue au pluriel.

Une section militaire sobre mais éloquente

Impossible de visiter Robermont sans s’arrêter quelques instants dans la section réservée aux militaires. Située dans la partie sud du cimetière, elle regroupe les tombes de centaines de soldats, pour la plupart morts au combat ou suite à leurs blessures. Une ligne de pierres blanches parfaitement alignées, à la manière des cimetières militaires étrangers, témoigne de la rigueur et du respect avec lesquels les sépultures sont entretenues.

À quelques mètres de là, un mémorial aux victimes des deux guerres mondiales surmonte une petite esplanade, régulièrement fleurie, surtout lors des commémorations du 11 novembre. Une présence sobre, silencieuse, mais toujours empreinte d’une grande dignité.

Quand la nature s’invite dans la pierre

Robermont est aussi un refuge pour la biodiversité. Les arbres centenaires, les haies et les herbes folles qui ponctuent les allées constituent un habitat intéressant pour de nombreuses espèces.

Il n’est pas rare d’y observer des écureuils, des merles, ou encore des mésanges charbonnières. Certaines allées moins fréquentées accueillent même des plantes indigènes, que les jardiniers municipaux laissent volontairement se développer dans une logique écologique. Lorsque le printemps s’installe, les couleurs et les chants d’oiseaux adoucissent considérablement l’image souvent austère que pourrait suggérer un cimetière.

Une idée à creuser pour les naturalistes urbains en quête d’un lieu tranquille pour observer la faune sans quitter la ville.

Une balade accessible et riche en découvertes

Le cimetière de Robermont est ouvert tous les jours, et l’entrée est évidemment libre. Pour qui souhaite s’y promener de manière un peu plus structurée, il existe plusieurs itinéraires guidés à faire soi-même. La Ville de Liège a publié quelques brochures disponibles en PDF, qui permettent d’en apprendre davantage sur une vingtaine de monuments emblématiques et sur les personnages qui y reposent.

A noter également : des visites guidées sont régulièrement proposées par l’asbl « Art et Fact » ou dans le cadre des Journées du Patrimoine. Ces visites sont particulièrement enrichissantes, car elles permettent de replacer les sépultures dans leur contexte historique et artistique, avec force anecdotes à la clé.

Le terrain est relativement plat, et les principales allées sont bitumées, ce qui rend la balade facilement accessible aux personnes à mobilité réduite. Se munir de bonnes chaussures reste conseillé, surtout si l’on veut explorer les sections plus reculées.

Un lieu de mémoire en évolution

Depuis quelques années, la Ville de Liège s’attache à valoriser ce patrimoine parfois négligé. Des efforts sont menés pour restaurer certains monuments menacés par le temps ou le vandalisme, et un projet de numérisation des archives funéraires est en cours.

En parallèle, Robermont intègre peu à peu les nouvelles modalités d’enterrement : en plus des tombes classiques, on y trouve aujourd’hui des columbariums, des cavurnes, et une pelouse de dispersion pour les cendres. Ces évolutions ciblent une gestion plus durable de l’espace, tout en respectant la mémoire des disparus.

Le lien entre passé et présent est ici palpable. Chaque pierre, chaque nom gravé, chaque plante qui pousse au pied d’un tombeau, nous rappelle ce que fut Liège, ce qu’elle est devenue, et ce qu’elle continue de transmettre.

Un détour qui en vaut la peine

Robermont n’est pas un lieu triste : il est un carrefour entre l’histoire, l’art, la mémoire et la nature. En faisant le choix de s’y arrêter, ne fût-ce qu’une heure, on pose un regard différent sur notre ville. On découvre que les cimetières sont aussi des lieux de vie, que les pierres ont des messages à faire passer, et que le passé n’est jamais bien loin derrière nous.

Prochaine fois que vous cherchez une balade au calme, à deux pas de Liège, pensez à Robermont. Vous en sortirez avec plus que des photos : une autre manière de regarder notre ville et ceux qui l’ont façonnée.

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